Il y a plusieurs raisons d’aimer Jean Echenoz.
Il y a son art de la narration légèrement instable. Relisez par exemple la scène du radiotélégraphiste dans Un an (1997, p. 29-30).
Il y a sa maîtrise de la variation, toujours dans le même roman : «flottait une puissante odeur de chien bien qu’il n’y eût pas de chien» (p. 64); «Régnaient de suffocantes odeurs d’essence et de chien, mais cette fois avec un chien» (p. 66); «flottait une odeur de grésil et de cendre mais pas de chien bien qu’il y en eût un» (p. 68).
Il y a, évidemment, son emploi du conditionnel. Comment ne pas admirer quelqu’un qui intitule une conférence, en 1995, «Des temps grammaticaux envisagés comme une boîte de vitesses» ?
Il y a son soin pour les questions de ponctuation, «seule divergence esthétique» entre lui et son éditeur (Jérôme Lindon, 2001, p. 51).
Il y a la précision de ses descriptions, parfois très délicatement délirantes, et sa jubilation onomastique.
Et il y a ses choix lexicaux. Vous utilisez une calculette ? Tel personnage de l’Équipée malaise la «clavecine» (1986, p. 34). Passé l’heure d’affluence, une brasserie devenait calme, puisque «le tohu-bohu se décaféinait» (p. 200). Vos épaules se haussent ? Elles devraient «montgolfier» (Lac, 1989, p. 155). «Intimes» existe; «extimes» aussi, donc (le Méridien de Greenwich, 1979, p. 217). Comment décrire une construction éloignée mais britannique ? Son style serait «anglo-antipodal» (les Grandes Blondes, 1995, p. 109).
On ne saurait mieux dire.
Les livres de Jean Echenoz sont publiés aux Éditions de Minuit. Plus récent titre paru : Courir (2008).
[Complément du 9 juin 2016]
Le lien menant à la conférence de 1995 évoquée ci-dessus est mort (Dieu ait son âme). On trouve cependant des propos proches dans une entrevue donnée par Echenoz à Pierre-Marc de Biasi : «J’ai le sentiment que chaque temps grammatical a sa propre vitesse, et qu’au fond le système des temps grammaticaux fonctionne un peu comme une boîte de vitesse pour une automobile — les temps des verbes jouent un rôle déterminant dans les procédures d’accélération, de ralentissement, de reprise. Il y a des pentes narratives qu’on ne peut monter qu’en première, et des sections où on peut filer en cinquième, comme sur l’autoroute. Et puis il y a la marche arrière…» («Jean Echenoz : “Flaubert m’inspire une affection absolue”», le Magazine littéraire, septembre 2001, p. 53).
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Très bien, Benoît. En matière de blog, je suis fidèle à la maxime
Un pour tous, tous pour un!
Flavio Aguiar, de Berlin.